CHAPITRE IX

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ÉLÉMENTS D'UNE THÉORIE DE LA GESTION


RÉSUMÉ


Les analyses auxquelles donne lieu l'évaluation des coûts se généralisent à l'ensemble des problèmes de gestion de l'entreprise à partir des concepts d'agent économique et de mécanismes de gestion :

1) un agent économique ne se sert à chaque instant que d'un très petit nombre d'informations, de préférence numériques;

2) un agent économique règle ses choix logiquement de manière à optimiser les critères sur lesquels il se sent jugé;

3) ces critères sont maintenus en place par des contraintes qui peuvent s'analyser à quatre niveaux :

L'entreprise apparaît ainsi comme le jeu de mécanismes animés par la logique des agents économiques et dont la cohérence dépend des relations entre les quatre niveaux considérés.


Le contraste entre l'infinie variété du coût des décisions et la rigidité des coûts de revient est un cas particulier du problème général que pose toute entreprise qui fait intervenir plusieurs acteurs : comment trouver le bon compromis entre la multiplicité des points de vue et la cohérence de l'action ?

L'évolution des entreprises dans les dernières décennies, sous l'effet de l'accélération des événements et des progrès du traitement de l'information, a posé aux responsables beaucoup de problèmes qui relèvent de cette interrogation.

Les chercheurs en gestion du Centre de Gestion Scientifique de l'École des mines de Paris étudient de tels problèmes depuis de nombreuses années, et la répétition des mêmes observations et des mêmes expériences dans des contextes variés leur a suggéré un modèle général des problèmes de gestion.

Comme on le verra, il s'agit plutôt d'une grille d'analyse que d'un système de lois analogues à des lois physiques. Nous indiquerons sommairement en conclusion comment cette grille s'est élaborée.

I - DE "L'OBSERVATEUR" A "L'AGENT ÉCONOMIQUE"

Revenons sur les deux exemples abordés au chapitre précédent. Ce serait une erreur de croire que les responsables de la gestion des lignes d'autocar et ceux des sièges miniers n'avaient pas conscience de l'étrangeté de leur choix, d'autant plus qu'il ne manquait pas de voix, parmi ceux qui déploraient ces choix, pour dénoncer cette étrangeté. Mais, que voulez-vous,répondaient-ils, la politique ou la bureaucratie sont des forces qui nous dépassent et qui nous contraignent à des comportements que nous n'adopterions pas si nous étions plus libres.

Autrement dit, en revenant au langage de la définition générale des coûts, ces observateurs recensaient bien les effets de leurs choix les plus critiquables à leurs yeux, mais un élément dominait tous les autres dans leurs échéanciers : le résultat des prochaines élections dans le premier cas, le jugement périodique du déficit à la tonne dans le second.

Cette prépondérance d'un critère de choix entraîne une conséquence de grande portée : l'uniformisation des comportements. L'exemple des mines de charbon est particulièrement illustratif à cet égard : à l'époque où le Directeur général alerta les chefs de siège sur le caractère aberrant de leurs choix au jour le jour, près de quarante sièges encouraient ce reproche. A leur tête se trouvaient des ingénieurs d'âges, de formations, de tempéraments personnels variés ; les caractéristiques des exploitations dont ils avaient la charge étaient elles-mêmes diverses. Malgré cela, la préoccupation de stabiliser leur production quotidienne les conduisait à des choix identiques.

De là découle une conséquence qui va constituer la clef de voûte de la théorie résumée ci-après : il peut se produire que les choix induits par les paramètres de gestion se déduisent logiquement de la situation des responsables sans que l'on ait à connaître personnellement ces derniers.

Pour caractériser cette situation, il est utile d'introduire le concept d'agent économique, entité empirique définie par une fonction sur laquelle s'exercent des jugements explicites et dont émanent des choix explicites. Cela peut-être par exemple le conseil d'administration d'une société anonyme, un atelier, une agence commerciale, un chef de siège minier, le maire d'une ville, le conseil municipal dans son ensemble. Pas plus que "l'observateur" de la définition général des coûts, "l'agent économique" n'a de raison d'être identifié à une personne.

Les paramètres de jugement qui sont appliqués à un agent économique tendent à lui inspirer des choix qui donnent des valeurs favorables à ces paramètres. On s'intéresse ici au cas limite où ces choix s'apparentent à des automatismes.

II - MÉCANISMES ET CONFLITS

La théorie proposée ici repose sur l'hypothèse que lorsque la taille d'une entreprise et l'abondance de l'information à prendre en compte contraignent à condenser cette information en indicateurs synthétiques et spécialisés, l'entreprise tend à ressembler à une machinerie constituée d'automatismes élémentaires régis par la logiquel ocale de chaque agent économique optimisant les critères sur lesquels il se sent jugé.

Les coûts de revient ne sont pas les seuls paramètres numériques à jouer ce rôle. Chaque fois que l'urgence commande de juger vite et qu'un chiffre paraît donner satisfaction ne serait-ce qu'en moyenne, ce chiffre tend à devenir le critère unique d'appréciation.

C'est ainsi que nous avons évoqué, au chapitre VI, les différences de point de vue que l'on observe usuellement entre le vendeur, le fabricant et le financier dans une même entreprise. Or, l'usage de paramètres numériques peut avoir pour effet de durcir les oppositions entre ces points de vue.

Ainsi, il paraît naturel de juger le commerçant sur un chiffre de vente mensuel. Mais un souci excessif de respecter le chiffre attendu pour un mois déterminé peut le détourner d'actions de promotion susceptibles de porter des effets plusieurs mois plus tard.

De même, on observe qu'un responsable d'atelier jugé sur un tonnage de production mensuelle a tendance à privilégier en fin de mois les commandes les plus lourdes au détriment de commandes plus urgentes mais plus légères, en dépit de l'importance commerciale que peut avoir le respect des délais de livraison.

Le financier, enfin, jugé sur le respect de ratios concrétisés par un budget d'investissement, peut se montrer si rigide dans ce respect qu'il interdise des actions commerciales ou industrielles pour le seul motif qu'elles n'avaient pas été programmées lors de l'établissement du budget.

Ces exemples montrent que la mise en place d'indicateurs numériques peut avoir pour effet d'accentuer les incohérences entre agents économiques.

En fait, on constate que les entreprises supportent usuellement un certain degré d'incohérence. D'une part, le jugement porté sur les agents économiques peut être tempéré par un certain flou sur l'information ; d'autre part, un excédent de moyens peut aider à vivre sans trop de mal en poursuivant des fins plus ou moins contradictoires.

Mais il peut survenir un moment, sous l'effet de causes internes ou externes, où la situation est jugé intolérable et où des réformes sont envisagées. Parmi toutes les réformes concevables figure celle des paramètres de gestion, soit que l'on ait perçu leur nocivité, soit que leur remise en cause résulte d'un nouveau partage des responsabilités.

Il peut alors se produire, comme dans le cas de la ligne d'autocar et de la mine, qu'un paramètre de gestion déjà en place se révèle difficile à supprimer ; on constate aussi qu'il n'est pas toujours facile d'imposer l'usage d'un nouveau paramètre. C'est la nature de ces difficultés que nous allons maintenant analyser.

III - LES QUATRE NIVEAUX D'ANALYSE

Un paramètre de contrôle mesure ou dénombre des objets ; il est perçu par des personnes qui en font usage ; il joue un rôle dans des procédures codifiées ; il répond à des attentes de l'opinion.

Ainsi, la matière, les personnes, les institutions et les normes culturelles jouent chacune un rôle dans le choix et le succès d'un instrument de gestion.

1) La matière

Dénombrer des objets suppose qu'ils se prêtent, par nature, à une telle opération. Ce problème est au centre de la définition des centres de coûts et des unités d'oeuvre en comptabilité analytique : les heures d'entretien et les kilos de vapeur sont-ils des représentations acceptables de la production de l'atelier d'entretien et de l'atelier de vapeur ? C'est la nature physique de ces productions qui détermine la réponse.

La ligne d'autocars et la mine de charbon considérées ci-dessus posent des questions de cet ordre. Comment évaluer avec précision les recettes affectables à une ligne d'autocars lorsque la plupart des usagers sont titulaires d'un abonnement (du type "carte orange" en région parisienne) ? Comment évaluer avec précision la production nette d'un siège minier lorsque celle-ci résulte du mélange, dans le même la voir, de la production de plusieurs sièges différents ? Ces problèmes trouvent tant bien que mal des solutions, mais celles-ci résultent d'un compromis entre des dépenses de mesures et la précision des résultats.

Il y a un domaine important de la gestion des entreprises industrielles et commerciales où ce genre de question se pose fréquemment, c'est celui des stocks. Un stock est un tampon situé à l'interface de deux flux de lois d'écoulement différentes, et le plus souvent à l'interface de deux agents économiques. Sa valeur joue donc un rôle constant dans les relations entre ces agents, mais cette valeur est malconnue lorsque les objets en cause sont difficiles à compter. Cela peut engendrer des désordres, mais cela fait aussi partie des facteurs de flou qui peuvent avoir des effets apaisants sur les contradictions entre deux agents économiques.

2) Les personnes

Il est clair qu'une personnalité exceptionnelle peut se mettre en mesure de déjouer les mécanismes de gestion si ses normes propres de jugement sont plus exigeantes que les paramètres qui servent à quantifier son activité. La théorie exposée dans ces pages ne néglige pas le rôle des volontés individuelles dans la marche des affaires, mais elle met l'accent sur le fait que ces volontés éprouvent des difficultés à s'exercer à cause des paramètres synthétiques de jugement qui pèsent sur les individus.

L'expérience montre qu'il n'est pas toujours nécessaire de connaître en détail le caractère et la biographie des personnes pour comprendre ou prévoir l'effet de ces jugements sur leurs comportements. L'âge, la formation, les perspectives de carrière peuvent se révéler des indications suffisantes : un débutant ne considère pas l'avenir comme une personne à la veille de la retraite, un ingénieur ne lira pas les mêmes documents ou ne les lira pas de la même manière qu'un juriste ; un collaborateur inamovible ne réagira pas comme tel autre promis à un avancement ou au licenciement selon ses performances.

Dans le cas des chefs de sièges miniers de l'exemple déjà évoqué, leur expérience professionnelle contribue à expliquer les choix en cause. Si diverses que fussent leurs origines et leurs personnalités, ces chefs de sièges avaient tous fait leurs premières armes dans les Charbonnages à une époque où le charbon était pratiquement la seule ressource énergétique et où ne se posaient ni problèmes de déficit ni problèmes de fermeture. L'impératif était alors la production maximum et, dans un tel contexte, exploiter les ressources dans un ordre favorable à la saturation des moyens d'extraction était un choix judicieux, puisque toutes les ressources devaient être prises un jour. Dans la mesure où les paramètres sur lesquels ces sièges se sentaient jugés les poussaient à perpétuer de telles pratiques, des décennies d'expérience les poussaient dans les mêmes voies.

3) Les institutions

En matière de gestion,les institutions se concrétisent notamment par des saisies de données, des calculs et des publications de chiffres considérés comme obligatoires. Cette obligation peut provenir de la loi, de règlements publics, de règlements internes à l'entreprise et même de simples habitudes. Les comptabilités générales et analytiques, dont on a vu la place prépondérante dans le maniement de l'information, fournissent des exemples de ces diverses sources d'obligation.

Il est à noter qu'un paramètre de jugement prend d'autant plus de force entre les mains d'un responsable qu'il est lui-même jugé sur ce même paramètre. Un directeur commercial jugé sur un total de ventes demandera à ses divers vendeurs de lui en fournir les éléments ; un directeur de production jugé sur un tonnage demandera de la même manière aux divers ateliers placés sous son autorité de lui donner ces chiffres. Si les responsables subalternes protestent contre ces contrôles, leur chef répondra qu'il les subit lui-même. Et ainsi en cascade jusqu'au plus haut responsable de l'entreprise, qui pourra répondre qu'il ne fait que satisfaire à des exigences de la loi.

Les institutions imposent une inertie importante aux choix des paramètres de gestion, pour des raisons juridiques et réglementaires, mais aussi pour des raisons matérielles. L'élaboration de ces paramètres implique en effet de nombreux documents tenus à jour grâce à des chaînes de transmission qui peuvent être longues et grâce à une foule de gestes méticuleux, difficiles à régler et difficiles à changer ensuite.

4) Les normes culturelles

A la différence des institutions, qui se concrétisent par des textes formalisés, les normes culturelles se manifestent par des évidences partagées. "Il va de soi ...", "il faut bien que ..." sont des formules qui caractérisent ce type de contraintes.

Nous avons rencontré plusieurs manifestations de cet ordre dans les chapitres précédents.

Le juste prix est sans doute l'exemple le plus significatif. Il faut bien qu'un armistice honorable soit possible entre acheteur et vendeur, sinon la vie économique est une jungle.

La décentralisation des responsabilités et la cohérence des choix dans l'entreprise : il faut bien que chaque personne investie d'une parcelle d'autorité puisse juger par elle-même les effets de son travail mais il va de soi que l'ensemble de ces pouvoirs locaux doit être au service d'un bien commun.

La rationalité des décisions : le calcul économique est né de la volonté d'appuyer les choix d'investissement et de prix sur des raisonnements aussi objectifs que ceux des sciences physiques. A ce titre, il serait précieux que le juste prix tire sa justice de sa justesse, comme on l'a vu au chapitre précédent.

Il apparaît clairement que de telles normes culturelles ne sauraient être parfaitement satisfaites, car les trois autres niveaux, et en particulier celui de la matière, ne sont pas compatibles avec les exigences correspondantes. La question se pose alors des modes de coexistence de ces quatre types de réalités.

IV - HARMONIE ET DÉCALAGES

Chacun des niveaux d'analyse distingués ci-dessus évolue sous l'effet de phénomènes qui lui sont propres. La matière évolue à l'occasion d'innovations techniques, les personnes évoluent parce qu'elles sont remplacées ou parce qu'elles vieillissent, les institutions évoluent parce que les règlements, dans les affaires publiques et les affaires privées, doivent tenir compte de faits et de rapports de force nouveaux.

Les normes culturelles évoluent, elles aussi, sans qu'il soit aussi facile de désigner de processus responsables. Mais il est aisé de citer de telles évolutions dans la période récente : on a vu par exemple apparaître dans les années 1970 l'idée de l'épuisement des ressources naturelles et celle des bienfaits de la petite taille des entreprise, idées qui ont eu une profonde influence sur le choix et l'utilisation des paramètres de gestion.

Il est clair que ces diverses évolutions ne sont pas indépendantes. L'évolution des institutions, notamment, est toujours suscitée par le besoin de réagir à une évolution de l'un des quatre types. Toutefois, il arrive souvent qu'une mesure réglementaire de portée générale fasse irruption dans un domaine particulier auquel elle n'est pas adaptée.

Ces remarques suggèrent un mode d'apparition des conflits et des crises. On conçoit en effet qu'une modification de l'un des niveaux exige des modifications des autres mais que ces derniers sont plus ou moins à même de s'adapter.

Il a été dit plus haut qu'une entreprise est toujours le siège d'affrontements entre agents économiques. Mais ces affrontements peuvent être plus ou moins graves. On peut avancer l'hypothèse qu'ils sont d'autant plus rudes et dangereux pour l'entreprise que les décalages entre les quatre niveaux sont plus grands.

L'exemple des houillères s'offre encore une fois pour illustrer cette idée. Dans les années 1950, les exploitants, leurs tutelles et l'opinion publique s'accordaient sur le fait que la saturation des moyens de production était un impératif indiscutable. On calculait déjà des résultats par siège, mais ils étaient tous positifs et leur classement n'était un en jeu important pour personne.

Un décalage s'est produit peu à peu avec l'envahissement du marché de l'énergie par les produits pétroliers, tandis que le rendement technique de l'extraction du charbon stagnait. Dans les années 1960, le résultat des Charbonnages est devenu déficitaire et l'idée de fermeture des sièges trop coûteux a commencé à s'exprimer et s'est concrétisée par une régression rapide de la production dans les années 1970. La mesure du déficit des sièges a pris de plus en plus d'importance, tandis que les instruments de gestion hérités de la situation antérieure continuaient à exercer leur emprise, avec les effets que l'on a vus.

La bonne ou la mauvaise santé d'une entreprise n'est pas une constatation objective à laquelle chacun devrait souscrire ; c'est une évaluation qui dépend de l'observateur. Néanmoins, il est possible de caractériser objectivement la cohérence d'une gestion. A partir d'une situation où un petit nombre de chiffres permet de satisfaire à toutes les attentes, d'autres exigences, plus ou moins contradictoires avec les précédentes, apparaissent sous l'effet de décalages entre les quatre niveaux. On cherche alors à satisfaire les nouvelles attentes à l'aide de nouveaux paramètres, et la multiplication des informations rend leur connaissance par un même esprit de plus en plus difficile et leur cohérence de plus en plus problématique.

V - L'ÉLABORATION DE LA GRILLE D'ANALYSE

Pour mieux situer la portée des développements précédents, il est bon de les replacer dans le contexte où ils ont pris naissance. C'est en conduisant des études au sein d'entreprises privées et publiques de tailles et de vocations variées que les chercheurs du C.G.S. ont pris conscience, au fil des années, de régularités frappantes dans les problèmes qui leur étaient soumis. Il s'agissait presque toujours de choix qui donnaient une valeur favorable à un paramètre et une valeur défavorable à un autre tout aussi important, par exemple un coût de revient contre un indice de qualité ou le respect d'un délai. Mais ce n'est pas sous une forme aussi épurée que les problèmes étaient formulés par les responsables. Généralement, ils attendaient des chercheurs qu'ils leur donnent les clés de la rationalité scientifique des décisions en cause et qu'ils mettent en place le tableau de bord qui permettrait de contrôler cette rationalité. L'hypothèse sous-jacente était que les collaborateurs de l'entreprise n'étaient pas assez rationnels, notamment parce qu'ils ne disposaient pas de la bonne information.

Or, des mois et des années de travaux en commun avec les responsables de ces entreprises débouchaient régulièrement sur des conclusions tout autres. Il se révélait que, loin d'être irrationnels, les collaborateurs en cause mettaient une ingéniosité remarquable à optimiser les paramètres sur lesquels ils se sentaient jugés, et que leur livrer des informations d'autres natures ne servait pas à grand-chose. Quant à modifier les paramètres de jugement, les nombreuses tentatives auxquelles les chercheurs ont participé ont toujours rencontré des résistances qui pouvaient s'analyser comme provenant de l'un ou l'autre des quatre niveaux considérés ci-dessus.

Autrement dit, les affirmations qui constituent la théorie de la gestion résumée ci-dessus doivent surtout être comprises comme des réfutations.

Ainsi, la considération de l'agent économique en tant qu'opérateur logique optimisant un très petit nombre de paramètres vient réfuter l'opinion selon laquelle en multipliant les informations et en remplaçant les personnes réputées irrationnelles on améliore forcément la gestion.

De même, la considération des quatre niveaux vient réfuter l'idée selon laquelle la solution d'un problème de gestion pourrait être trouvée dans l'un de ces niveaux en négligeant les autres : changer les produits ou les techniques, changer les hommes, changer les procédures, changer les mentalités, voilà des remèdes couramment envisagés. La théorie ci-dessus ne dénie pas toute vertu à chacune de ces mesures, mais elle met l'accent sur le fait qu'il y a toujours des liens puissants entre elles.

Ces considérations peuvent paraître un peu négatives. C'est pourtant sur l'action qu'elles débouchent, dans les cas fréquents où cette action est paralysée par un respect irréfléchi de critères qui ont perdu leur pertinence. La définition générale des coûts ne permet pas plus de calculer un juste coût que la théorie de la gestion ne permet de définir une bonne gestion. Mais elles permettent de comprendre pourquoi un coût que l'on croyait juste conduit à des choix malheureux et pourquoi un ensemble de responsables consciencieux et intelligents peuvent se comporter collectivement de façon critiquable. En gestion comme en médecine, le diagnostic est un préalable parfois suffisant à la thérapeutique.